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La Sainte Russie – La terre des icônes

La Sainte Russie – La terre des icônes

Le monde byzantin puis la terre évangélisée et alphabétisée par Cyrille et Méthode : la Russie, sont les deux poumons de l’art de l’icône.

Après tous les soubresauts de l’histoire, on assiste aujourd’hui dans « la sainte Russie », non seulement à une véritable résurrection des églises, cathédrales, monastères, basiliques orthodoxes qui ont été reconstruites après soixante dix ans de communisme, mais encore à des constructions nouvelles.

La cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, siège du patriarcat, détruite sous Staline fut reconstruite à l’identique entre 1995 et 2000.

La cathédrale Notre-Dame de Kazan, sur la place rouge de Moscou fut détruite en 1936 pour des raisons idéologiques. En 1993, la ville de Moscou fit reconstruire la cathédrale.

Toutes les édifices religieux sont entièrement recouverts d’icônes : les murs, les plafonds, les iconostases. Parfois même les icônes sont à l’extérieur sous forme de mosaïques, de fresques.

Une iconostase (du grec ancien : « images dressées ») est une cloison, de bois ou de pierre, qui, dans les églises orthodoxes, sépare les lieux où se tient le clergé célébrant du reste de l'église où se tiennent le chœur et les fidèles.

Elle cache les célébrants aux regards de l'assemblée pour présenter à leur place des icônes, selon un programme bien précis. Une iconostase est en général considérée comme une porte vers le monde divin.

Entre le XIVe siècle et le XIXe siècle, les iconostases ne cessèrent de se développer. Elles finirent par comporter jusqu'à dix et même quinze registres superposés d'icônes. Le xxe siècle et ses malheurs mirent un terme à cette surenchère et on se contente aujourd'hui d'iconostases plus modestes qui ont l'avantage de moins masquer les peintures murales. Elles ont deux ou trois registres et parfois même un seul, le registre inférieur.

Premier registre en bas : les grandes icônes

L'iconostase est percée de trois entrées. Celle du centre est fermée par une porte à deux battants qu'on appelle « les portes royales ». Elles donnent accès à l'autel et présentent l'image de l'Annonciation avec celles des quatre évangélistes. Sur les deux portes latérales (appelées portes diaconales) figurent les archanges Michel et Gabriel.

À droite (au sud) des portes royales, se trouve l'icône du Christ bénissant. À gauche, celle de la Vierge Marie tenant le Christ. Ces deux images structurent l'espace liturgique et les gestes des participants.

À côté de l'icône du Christ se trouve celle de saint Jean-Baptiste puis d'autres icônes de saints particulièrement vénérés dans l'église.

À côté de l'icône de la Vierge se trouve l'icône de la dédicace de l'église (un saint ou une fête) puis d'autres icônes. L'usage russe place l'icône de la dédicace à côté de celle du Christ.

Second registre : les fêtes

On trouve en général au-dessus le cycle des douze grandes fêtes de l'année chrétienne.

Troisième registre : la déisis

Le Christ siège au centre entouré de la Vierge Marie à sa droite et de saint Jean-Baptiste à sa gauche. Après viennent les archanges Michel et Gabriel, puis les princes des apôtres Pierre et Paul, puis des évêques, des diacres, la série peut être très longue et répartie sur plusieurs registres.

Un quatrième registre : les prophètes

Sur le modèle de la déisis, les prophètes entourent la Vierge Marie du Signe, tenant le Christ.

Dernier registre : les patriarches

Sur le modèle de la déisis, les patriarches de la Genèse entourent l'image des trois anges apparus au chêne de Mambré.

Que représentent les icônes pour ce peuple orthodoxe ?

Plus qu’une catéchèse en images pour des fidèles qui ne savaient pas lire, une icône représente l’invisible, le symbolise. Elle est une évocation, elle se veut vérité de la Présence.

Le visage que l’icône propose à la contemplation n’enferme pas dans le visible mais se veut saturation de l’invisible. L’icône s’offre comme porte ou fenêtre vers l’ailleurs.

L’icône, une école du regard

L’icône peut nous apprendre à :

  1. Lire l’invisible dans le visible
  2. Voir ce que l’icône (tout le contraire d’une image pieuse) offre à contempler qui n’est pas visible, que nos yeux exercés à la patience finissent par discerner.
  3. Regarder le monde comme une icône, c’est-à-dire garder le regard non arrêté sur ce qu’il voit.

L’idolâtre a le regard arrêté par ce qu’il voit, il en a « plein les yeux ».
La connaissance idolâtre a l’intelligence arrêtée par ce qu’elle sait.
L’affectivité idolâtre a le cœur arrêté par ce qu’elle aime.
La religiosité idolâtre a la « foi » arrêtée par ce qu’elle croit.
Dans chacun de ces domaines les objets de la connaissance ou du désir sont pris pour le réel. 

Pour l’iconographe ( celui sait « écrire » et « lire » l’icône), le visible ouvre ses yeux à l’invisible. Il a l’intelligence et le cœur non arrêtés par ce qu’il sait ou ce qu’il aime. Bien au contraire, ce qu’il sait et ce qu’il aime lui ouvre le chemin vers le Réel qui lui échappe et le déborde sans cesse, et auquel il participe pourtant comme sujet.

L’icône

Il ne suffit pas de regarder une icône
Il faut savoir se laisser regarder par elle.
N’ayons pas peur de ce regard :
Si nous avons péché,
C’est un regard de pardon.
Si nous sommes dans l’angoisse,
C’est un regard de paix.
Si nous sommes découragés,
C’est un regard qui refait nos forces.
Si nous sommes dans le doute,
C’est un regard de lumière.
C’est surtout un regard d’amour
Qui parfois nous bouscule
Car il attend de notre part
Que nous puissions regarder comme lui. 

L’icône ne décrit pas une histoire ( celle des différents moments de la vie du Christ ou des saints), elle la raconte en l’interprétant, en la symbolisant, en la transfigurant. Elle nous dit moins sur ce qui s’est réellement passé que sur ce qui se passe réellement chez celui qui se laisse informer, habiter par l’image qui se présente à lui. Elle n’est pas un tableau à thème religieux, elle est une vision du monde transfiguré, c’est-à-dire habité par le monde invisible, céleste.

L’icône appartient au monde de la vision, l’iconographe écrit une « vision » qui n’est pas la sienne propre, mais celle de la tradition éclairée de tous les regards qui l’ont précédé dans la contemplation de l’Ineffable et pour lui comme pour cette tradition, ce qui « manque » dans l’icône, c’est la Personne qui apparaît à celui qui la regarde, et c’est vers cet invisible présent que se tournent l’intelligence, le cœur et leurs différentes formes de vénération.

L’icône n’est pas seulement symbole, mais présence de l’incorporel, présence et absence paradoxale de Celui qui est toujours présent et toujours inaccessible. Absence charnelle mais présence spirituelle.

L’icône nous fait entrer dans un autre monde qui n’est ni celui de la matière, ni celui de l’Esprit, mais un composé sans mélange de ces deux dimensions du réel. Ce monde est comme un pont entre conscient et inconscient, conscience colorée et surconscient visible, présence palpable et présence incréée.

L’icône n’est pas un objet ordinaire, même sacré, mais un objet habité « subjectivé », elle devient une personne et peut faire des miracles et intercéder.

L’icône est synchrone : elle met en résonnance les temps dans lesquels vivent la personne qui contemple et la personne contemplée. Elle fait entrer le temps du monde dans le temps de la prière, elle n’est perceptible qu’à ceux qui sont en osmose avec le sujet ou l’événement donné.

L’icône est écriture des éléments : les matières qui la constiutent sont celles qui constituent l’être humain. Ce dernier récapitule en lui les règnes minéral, végétal, animal. Dans l’icône, l’or figure le règne minéral, les pigments représentent le règne végétal, l’œuf témoigne du règne animal.

L’icône est une écriture symbolique. Le symbole unit et rassemble les éléments distincts, séparés :

  • Le temps et l’éternel
  • Le créé et l’incréé
  • La forme et le sans forme
  • L’homme et Dieu
  • Le visible et l’invisible…

L’icône est « livrée » à notre interprétation. Il s’agit de vivre un calme vertige, de regarder ce qui n’a jamais été vu et qu’on ne verra jamais sous cette forme, de toucher et même d’embrasser ce qui demeurera toujours impalpable.

La pratique des icônes

L’icône fut d’abord écrite pour une liturgie, elle appartient à un rituel dans lequel il s’agit de faire mémoire (anamnésis) de ce qui a été, de ce qui est, de ce qui sera : le CHRIST, qui est le même hier, aujourd’hui, toujours. Elle est promenée, encensée, chantée, caressée, baisée par mille bouches croyantes. On se prosterne devant elle. Certains qui ne savent lire ni les corps aimants, ni les images parleront d’idolâtrie, alors que l’icône peut être guérison de l’idole.

L’idole rend aveugle, l’icône rend voyant.

Les iconoclastes de tous les temps ignorent que le rôle du visible n’a jamais été de remplir les yeux mais d’écarquiller et d’enchanter le regard.

Dans le cadre de la vie domestique, l’icône de la demeure privée qui accompagne les gestes de la vie quotidienne, alimente de sa flamme la mémoire d’une présence. Elle est alors amie et thérapeute. Lorsque le regard est tourné vers elle, l’esprit se calme, l’imaginaire est orienté, il cesse de déborder celui qui souffre d’une «  schizophrènie » des images et des idées, représentations obsédantes et charnelles ou concepts évanescents et froids dont l’abondance nous hante

Les icônes agissent comme des médicaments : on ne regarde pas une icône, ce sont elles qui nous regardent. Elles posent sur nos angoisses ou nos maladies un autre regard que celui des médecines habituelles, elles peuvent nous guérir. Le regard d’un ange, d’un saint, du CHRIST posé sur nos plaies parfois nous en délivre en les situant sous un ciel plus vaste et plus clément, ce qui relativise notre identification à ce qui nous fait mal.

Le thème de la Transfiguration, cher au christianisme orthodoxe du premier millénaire, nous fait considérer la vie comme une voie de transformation ou de métamorphose. Rien de ce qui est créé n’est mauvais « tout est pur pour celui qui est pur », notre regard défigure ou transfigure toute chose. La voie de la transfiguration est exigeante. Il s’agit de vivre tous les actes de notre vie comme des actes sacrés, ceux-ci au cœur de notre attention peuvent délivrer leurs étincelles et leur clarté qui participent de l’Unique Lumière.

L’icône permet à l’homme d’avoir un visage qui le regarde, un visage qui ne soit pas un objet à traiter comme une matière réductible aux éléments qui la constituent mais appelé à devenir temple de l’Esprit et demeure des clartés.

Au-delà d’une métaphysique de l’Etre comme objet et de ses corollaires psychologiques – l’homme réduit à une machine désirantec – nous pouvons retrouver à travers l’icône une métaphysique de l’Etre comme présence et ses corollaires psychologiques – l’homme considéré comme âme vivante-.

Jean Yves Leloup

 

A l’occasion du 12e centenaire du Concile de Nicée  - Jean Paul nous parlait de L'art chrétien authentique

…L'art chrétien authentique est celui qui, à travers la perception sensible, donne l'intuition que le Seigneur est présent dans son Église, que les événements de l'histoire du salut donnent sens et orientation à notre vie, que la gloire qui nous est promise transforme déjà notre existence. L'art sacré doit tendre à nous offrir une synthèse visuelle de toutes les dimensions de notre foi. L'art d'Église doit viser à parler le langage de l'Incarnation et, avec les éléments de la matière, exprimer Celui qui " a daigné habiter dans la matière et opérer notre salut à travers la matière ", selon la belle formule de saint Jean Damascène.

La redécouverte de l'icône chrétienne aidera aussi à prendre conscience de l'urgence de réagir contre les effets dépersonnalisants et parfois dégradants de ces multiples images qui conditionnent nos vies dans la publicité et les médias, car elle est une image qui porte sur nous le regard d'un Autre invisible, et nous donne accès à la réalité du monde spirituel et eschatologique.

Notre tradition la plus authentique, que nous partageons pleinement avec nos frères orthodoxes, nous enseigne que le langage de la beauté mis au service de la foi est capable d'atteindre le cœur des hommes et de leur faire connaître de l'intérieur Celui que nous osons représenter en images, Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, " le même, hier et aujourd'hui, et pour tous les siècles " (He 13,8).

A tous, j'accorde de grand cœur la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 4 décembre 1987, jour de la mémoire de saint Jean Damascène, prêtre et Docteur de l'Église, en la dixième année de mon pontificat.

Pour le fidèle orthodoxe, une icône est une Présence à honorer, à vénérer. Il vient embrasser la personne représentée par l’icône, l’illuminer par une petite bougie, il se signe plusieurs fois et touche la terre (métanie) en signe d’humilité. Pas étonnant que des apparitions d’icônes aient eu lieu pluseurs fois dans ce peuple russe.

Icône de la Mère de Dieu de Koursk

L'icône de la Mère de Dieu du Signe de Koursk, est une des icônes les plus anciennes de l'Eglise russe. Au XIIIème siècle, lors de l'invasion tatare, la ville de Koursk, ravagée par des hordes de Batou, tomba dans l'oubli. 

Le 8 septembre 1295, dans son voisinage, un chasseur vit, à la racine d'un arbre cette icône, face contre terre. Le chasseur la prit et la reconnut comme l'icône "Du Signe" de Novgorod [basée sur la Parole de l'Ecriture: C'est pourquoi le Seigneur Lui-même vous donnera un signe: Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, Et elle lui donnera le nom d'Emmanuel (Isaïe 7:14).]. 

Or dès que le chasseur la souleva de terre, immédiatement à l'endroit où elle se trouvait surgit avec puissance une source d'eau pure. Lorsque ceci advint, le chasseur n'osa pas laisser l'icône dans les bois et il construisit donc sur le site même une petite chapelle en bois, où il mit la nouvelle icône de la Toute Pure. Cela devint bientôt connu des habitants de la ville de Rylsk, située à proximité, et ils commencèrent à visiter le lieu, sanctuaire de ce miracle.

L'icône fut déplacée à Rylsk et mise dans la nouvelle église de la Nativité de la Bienheureuse Mère du Seigneur. Mais l'icône n'y demeura que pendant une courte période, car elle disparut miraculeusement et retourna à son emplacement d'origine.

Les résidents de Rylsk la reprirent à plusieurs reprises et la rapportèrent à la ville, mais l'icône revint encore mystérieusement à son emplacement d'origine. Alors, tous comprirent que la Toute Sainte voulait rester à l'endroit de son « invention ». 

Cette icône est associée à des événements importants de l'histoire de la Russie: la guerre de libération du peuple russe lors de l'invasion de Pologne-Lituanie en 1612 et la guerre de 1812. De cette icône furent faites plusieurs copies, qui sont également célèbres.

Celle qui est représentée ci-dessus, partit avec les "russes blancs" lors de la révolution athée de 1917, et elle reste jusques à ce jour dans l'Eglise Russe Hors Frontières où elle continue à intercéder pour les fidèles. Elle voyage aussi dans le monde pour répandre la Grâce de Dieu lors de ses déplacements.

Apparition de l’icône d'Ourioupinsk

Cette icône fit une apparition miraculeuse en Juin 1827 près de la ville d'Ourioupinsk. Une jeune fille nommée Irina Lazareva, vit une icône étrange sur les branches d'un arbre qui poussait dans les Montagnes Saintes. Elle en parla au prêtre de son église. 

Ils allèrent vers l'endroit où la jeune fille avait vu cette apparition, mais quand ils arrivèrent sur les lieux, ils ne trouvèrent rien. C'est seulement après une prière fervente que l'icône de la Toute Pure apparut de nouveau.

De 1854 jusques à présent, l'icône miraculeuse demeura dans l’église de la Protection de la Mère de Dieu d'Ourioupinsk, seule église de la ville qui ne souffrit pas durant l'ère soviétique. 

Au fil des ans, l'icône a sauvé à plusieurs reprises la ville de la "peste", et elle a guéri ceux qui souffraient. A l'endroit où l'image a été trouvée, a coulé une source d'eau pure. Pendant la révolution, il fut tenté à deux reprises de l'enterrer, mais en vain.

Version française Claude Lopez-Ginisty

 

Entrons un peu dans la pratique de celui qui écrit une icône : 

Prières de l’iconographe

Dieu le Père, au nom de Ton Fils Jésus-Christ, envoie la grâce de ton Saint-Esprit sur cette icône que peint ton serviteur (ta servante), à ta gloire.

Très Sainte Trinité ! De ta main invisible signe et bénis cette icône.

Donne-lui la force d’action bienfaisante sanctifiante, afin que tous ceux qui s’en approcheront avec vénération obtiennent : santé, sanctification, bénédiction. Amen

 

Roi du ciel, Consolateur, Esprit de Vérité,
Toi qui es partout présent et qui remplis tout
Trésor des biens et donnateur de vie.
Viens et demeure en nous.
Purifie-nous de toute souillure et
Sauve nos âmes.
Toi qui es Bonté.

Prières de Philarète de Moscou (métropolite de Moscou de 1821 à 1867)

Accorde-moi Seigneur d’accueillir dans la paix le jour qui se lève.
Aide-moi en toute chose, à m’appuyer sur ta sainte volonté.
A chaque heure du jour, révèle-moi quelle est ta volonté.
Bénis mon comportement avec mon entourage.
Apprends-moi à accepter d’une âme sereine tous les imprévisibles de la journée.
Donne-moi la conviction profonde que rien n’arrive que ce ne soit avec ton agrément.
Guide mes pensées et mes sentiments dans toutes mes paroles et toutes mes actions. Que je me souvienne que tout événement imprévu l’est avec ton accord.
Apprends-mi à agir avec fermeté et sagesse sans exciter d’amertume ou de haine chez les autres.
Donne-moi de supporter toutes les fatigues de cette journée.
Dirige ma volonté.
Apprends-moi à prier. Prie toi-même en moi.
Ame